Laissons parler l’histoire
C’est en Inde que le hatha-yoga est apparu au cours du VIème siècle de notre ère et après une longue période où, sur les traces de Bouddha et de ses enseignements, une évolution spirituelle remarquable s’est développée dans ce pays. La popularité de Bouddha est si grande que la méditation devient la principale pratique spirituelle du sous-continent indien. Le bouddhisme connaît une période de prospérité durant cinq siècles puis tranquillement s’achemine vers le déclin.
QUE S’EST-IL PASSÉ ?
Au long de toutes ces années le système bouddhiste évolue, se transforme et se divise. Deux voies s’y dessinent, l’une orthodoxe, l’autre plus libéraliste. A l’intérieur de celle-ci apparaît le tantra, lequel introduit des divergences entre les deux courants. Certaines pratiques tantriques ne font pas l’unanimité. Cette scission affaiblit le bouddhisme. Certains grands yogis (le yoga existe depuis plusieurs siècles) s’étonnent du manque de préparation pratique véritable à la méditation et projettent de réévaluer le système du Bouddha. Bien qu’ils estiment toujours que la méditation est la voie spirituelle la plus élevée, ils considèrent néanmoins qu’il est difficile d’y accéder sans s’y être préparé.
DU BOUDDHISME AU HATHA YOGA
Ce n’est qu’à partir du IVème siècle de notre ère, suite au déclin du bouddhisme, que de grands yogis décident de purifier les enseignements tantriques, sélectionnant dans le système les méthodes qui permettent à l’adepte de se perfectionner et de cheminer vers la méditation selon une progression qui le respecte et préserve la noblesse du yoga.
Ce sont Matsyendranath et Gorakhnath et d’autres yogis, des gardiens de la tradition du yoga, qui conviennent alors de séparer le hatha yoga du reste. Yama et niyama qui figurent dans le système bouddhiste et dans le raja yoga de Patanjali sont éliminés. Pour eux, la maîtrise de soi, des règles de conduite et observances, ne sont pas à la portée de ceux qui ne sont pas établis dans l’harmonie au niveau de leur personnalité et peuvent même être sources de conflits. Gorakhnath a écrit quelques temps auparavant sur le sujet en langue locale mais c’est Swatmarama qui en fait la compilation en langue sanskrite dans le Hatha Yoga Pradipika comprenant : techniques, asana, pranayama et shatkarmas.
LE HATHA YOGA PRADIPIKA
Celui-ci insiste sur la purification du corps et de ses éléments comme préalable indispensable aux pratiques méditatives. Ce qui coïncide avec la démarche thérapeutique proposée par l’ayurvéda : diminuer les excès des doshas, donc des éléments qui les constituent, et renforcer les insuffisances au niveau des autres éléments, avec pour finalité une harmonisation sur le plan physique et sur le plan mental.
À cet effet, Swatmarama propose d’effectuer une préparation du corps par les shatkarmas, proposant six types de purification (neti, dhauti, basti, kapalbhati, trataka et nauli) pour éliminer les six types de déchets présents dans le corps. Ceux-ci sont de trois types : le mucus que l’on associe en ayurveda à kapha en excès, les fermentations déclenchées par l’excès de vata et l’acidité reliée à pitta en excès. La pratique des shatkarmas, effectuée périodiquement, a pour effet d’amener les éléments vers un équilibre que l’on peut associer à la santé. Les fonctions se régularisent quand les blocages d’énergie sont levés et la méditation devient alors possible.
Il nous faut réaliser, d’une part, que les déséquilibres liés au développement des déchets dans le corps causent toutes sortes de désagréments au niveau des systèmes sous forme de manifestations plus ou moins anarchiques et des blocages d’énergie qui, une fois éliminés rétablissent leur harmonie. C’est ce que préconise l’ayurvéda et c’est le rôle des shatkarmas en hatha yoga où ces techniques sont transmises actuellement dans les cours.
D’autre part, il est aisé d’observer que la méditation, sans cette purification, peut amener des états fort désagréables que l’on peut relier aux excès de déchets : frayeur (Vata en excès), irritation (Pitta en excès) ou inquiétude (kapha en excès) alors que la méditation devrait être une expérience paisible, sereine conduisant à la félicité. Ce qui explique que bien des personnes attirées par la méditation ont dû y renoncer faute d’y avoir été préparées. Leur impatience face au cinéma mental, à la montée des émotions, à l’impossibilité de trouver le confort physique dans la posture en sont les conséquences.
L’ENSEIGNEMENT DU YOGA AUJOURD’HUI
Pas de prérequis (à part une autorisation médicale en certains cas) pour entreprendre une démarche évolutive en yoga. Avec la pratique d’asana et pranayama, adaptée et régulière, incluant celle périodique des shatkarmas, une harmonisation peut s’installer et permettre ainsi l’accès à la méditation.
Paru dans la Chronique n°25 – juillet 2019 de la Fédération Francophone de Yoga